Expédition La Pérouse

Expédition La Pérouse

Par Jean-Claude Thomas (Quemper-Guézennec 22)

Les 3 Voyages autour du monde effectués par l’Anglais James COOK (D20) entre 1768 et 1779 ont été suivis par la plus grande attention par le Roi Louis XVI. En Septembre 1783, la guerre d’indépendance américaine est terminée. Louis XVI n’a donc qu’une idée en tête : organiser un grand voyage de circumnavigation. Un grand projet d’une campagne de découvertes est initié par Claret de Fleurieu, directeur des ports et arsenaux de la marine.

Choix des navires :

Deux flûtes sont transformées. On va les calfater et les malletier. Ce sont deux bateaux solides à coque plate et large capable de naviguer près des côtes, que l’on nomme la Boussole (ex Portefaix) et l’Astrolabe (ex Autruche) (long 48 m, large 9m) et capables d’emporter une grande quantité de marchandises. Ils sont armés de 9 canons.

L’armement se poursuit à Brest, où avec le comte d’Hector, Fleuriot de Langle s’occupe de la préparation des navires et du recrutement des équipages . Il fait preuve d’un souci de perfection dans l’aménagement des deux navires. (aménagement intérieur, installation des cuisines, d’un
système de dessalement d’eau de mer, de moulin à vent pour entraîner les meules à grains… on peut ainsi fabriquer pain frais et galettes à partir du blé en grains)

Choix des commandants

Reste à désigner l’homme qui prendra la tête de cette expédition : Jean François Galaup de La Pérouse. et La Pérouse posera une condition: c’est que son ami de Langle prenne le commandement de la seconde frégate prévue pour le périple et qu’il lui soit adjoint comme coopérateur. Je ne partirais que si vous me donnez de Langle : “personne dans la marine n’est plus capable que lui pour me seconder. C’est autant le choix de ma tête que le choix de mon coeur… C’est l’officier de la marine du roi qui a le plus de mérite, d’instruction et de force de caractère.”
Le choix de La Pérouse à la tête de cette expédition est dicté par ses qualités reconnues d’homme et de marin. Grande autorité naturelle. Mais La Pérouse n’est pas à proprement parlé un «officier savant». Ce n’est pas un théoricien. Fleuriot de Langle lui, a des talents scientifiques indiscutés, très instruit, une grande force de caractère, ingénieux et excellent marin… Il est breton dans l’âme. La Pérouse est un meneur d’hommes, Fleuriot de Langle un technicien et un scientifique.

L’objectif du voyage sera :

Économique : Étude des ressources économiques des pays visités, ouverture au commerce. Politique : Surveillance des activités britanniques , ouverture au commerce. Programme de découvertes : Îles, côtes, cartographie , études des marées et des vents. Programme scientifique et des activités agricoles : ….. Aspects humains : respecter les peuples rencontrés, étudier les mœurs, leur habitude de vie. La nourriture, logement, les maladies….

Choix des scientifiques :

La Pérouse choisit l’ingénieur en chef Monneron et l’ingénieur géographe Bernizet. Les astronomes : Monge et Le Paute Dagelet (1 sur chaque batiment) les botaniste et jardinier : de La Martinière médecin et botaniste, et Collignon Les dessinateurs de botanique : Prévost (jeune) et Prévost (oncle). Les naturalistes : Dufresne, frère de Conseiller d’Etat, débarqué à Macao Le minéralogiste et physicien De Lamanon, physicien-botaniste-minéralogiste et météorologiste. Les dessinateurs de figures et paysages : Duché de Vancy et Blondela. L’interprète de Russe : Barthélémy de Lesseps (oncle de Ferdinand). Un jeune homme de 16 ans fut pressenti dans cette expédition, Bonaparte !!!. Il fut recalé… Que serait devenu le destin de la France?

Choix de l’État-major et des marins :

Les équipages (110 par navire) sont composés en majorité de Bretons «ce sont les plus aptes à faire des campagnes de ce genre, leur force, leur caractère et le peu de calcul qu’il font sur l’avenir doivent leur faire donner la préférence…». (Comte d’Hector). Ils ont chacun une deuxième profession. Le ministre répondra au comte d’Hector «Il est très convenable de donner la plus grande attention au choix des équipages et de préférence les bretons qui, par leur constitution sont très propres à naviguer longtemps.. » La Pérouse commandera la Boussole et Fleuriot de Langle l’Astrolabe

Soins de l’équipage et des savant :

La durée exceptionnelle de l’expédition pose des problèmes : il faut prévenir le scorbut : on emportera donc quantité de malte, levain, sel antiscorbutiquefroment, vin, beurre… Il faut aussi emporter des vêtements de rechange, du cuir pour fabriquer des chaussures… Fleuriot de Langle trouve 600 aunes de drap pour fabriquer des paletots… Et puis on va embarquer des boeufs vivants, des cochons, des moutons, de la volaille…avec tout ce que ça entraîne : fourrage, grains… Une bibliothèque est aussi prévue avec livres sur des récits de voyages, cartes, plans, atlas…

Départ de l’expédition :

Le 8 juillet Paul Antoine écrit à sa maman à Lannion : «Enfin, le moment du départ est fixé au 15 juillet.» les deux commandants mettent de l’ordre dans leurs affaires personnelles. La Pérouse prend congé des siens dans son manoir du Gô à Albi et Fleuriot de Langle se penche sur le berceau de Jean Charles, son fils de huit mois, et salue pour la dernière fois son manoir de Rosvilliou en Duault. Deux ans plus tard, de Macao, il écrivait avec nostalgie : «Je pense souvent à mon manoir en Bretagne…». En attente de vent favorable, les deux navires quittent la rade de Brest le 1er août 1785.

Madère (Portugal) :
De Langle écrit à sa mère à Lannion : «nous comptions faire ici une ample provision de vin pour nos équipages, mais il est si cher que nous prenons le parti d’aller à Ténériffe»

Ténériffe (Îles Canaries Espagne) :
débarquement de Monge, astronome (mal de mer.) Il écrit à sa soeur Céleste à Lannion : «je suis aussi heureux que l’on peut être en mer, j’ai un état-major et un équipage fort bien composés. Avec cela et la Providence, j’irai fort loin…»

Le 18 octobre, à l’île de la Trinité : court arrêt.

Brésil (ile Ste Catherine) :
Accueil par les Portugais. Achat de provisions. De Langle écrit à sa soeur Céleste : je n’ai qu’un seul malade à bord, il est maintenant rétabli : «tu peux dire à tous les habitants de Lannion qu’ils peuvent être tranquilles sur le sort de leurs compatriotes» et lui demande d’aller suivre les travaux de l’aile sud de Rosviliou et aider de ses conseils une jeune épouse inexpérimentée… «tu ne saurais combien il m’a coûté de me séparer d’elle et de mon fils.» et poursuit : “j’ai un état-major très bien composé qui vit en dans la meilleure intelligence avec les naturalistes…etc.. mon équipage est bon et mon bateau aussi.. Il marche mieux que celui de Lapérouse…» L’Astrolabe va plus vite que la Boussole…. Accord entre Lapérouse et de Langle pour se retrouver à
Tahiti en cas de séparation.

Entre mi-janvier et mi-février , parage de la Terre de feu, Cap Horn, détroit de Le MAIRE. Bougainville avait déconseillé de passer par le détroit de Magellan.

Escale au Chili, baie de la Conception, colonie espagnole pour faire des vivres. La parure des femmes très belles, Duché de Vancy les peint. Paul Antoine écrit à sa mére «Nous avons doublé le Cap Horn sans difficulté…il ne manque à ma satisfaction que de recevoir des nouvelles. Je vois avec douleur que je ne pourrais savoir comment
se portent mes parents, mes amis…dites-leur mille choses tendres. Je vous demande vos bontés pour ma femme et mon enfant…»

Ile de Pâques -(Autonome) :
On donne aux indigènes : chèvres, cochons, graines d’oranger, citronnier, coton et maïs. La physionomie des femmes est très agréable. Elles offraient leurs faveurs à ceux qui donnaient des présents. Les savants se répandent dans l’île.. Sous la conduite de de Langle, un groupe d’hommes (Lamanon, Dufresne et de Vanchy pénètre dans l’île pour semer et planter.

On a le temps de mesurer les statues colossales….

Il écrit à son épouse Georgette (9 avril 1786) : «Ma chère épouse, je vous écris cette lettre pour vous dire que nous avons été bien accueilli à l’Ile de Pâques. Les Pasquans nous ont encerclé pour nous souhaiter la bienvenue. Nous avons pu constater qu’ils avaient des peintures rouges sur le visage et certains avaient des tatouages. Quelques uns n’ont pas hésité à monter sur le bateau tellement leur curiosité était grande ! Ils regardaient étrangement les outils de navigation et certains essayèrent de s’en emparer, mais M. Lapérouse nous suggéra de positionner des soldats autour des navires afin de les en dissuader. Puis nous avons débarqué sur l’île. Nous avons distribué des cadeaux, ils nous ont offert des vivres en échange. Nous avons été impressionné par le statues géantes (les Moaï)qui bordaient l’Ile. Elles mesuraient trois mètres de haut, certaines quatre. Elles sont noires et couvertes de mousse par endroit. En explorant l’île, nous avons découvert des variétés de plantes encore inconnues en France. Les Pasquans nous ont offert des graines pour nous remercier et nous ont quand même lancé des pierres à notre départ…je t’écrirais à notre prochaine escale… »

Iles Sandwich,(Havaï) le 28 mai, (Autonome) escale à l’ile Mowée :

Peuple doux et plein d’égards. Échange de fer, de médailles, de haches, contre cochons, pommes de terre et bananes. On fait des relevés géographiques.

Alaska (Autonome) 23 juin 1786 :
Relevé de la Côte vers le Sud-Est. Tracé de l’embouchure de la baie de Berhing qui ne figure sur aucune carte.

Port des Français (Lituya bay) :
La Pérouse envoie en reconnaissance de Clonard, avec un grand canot et de Langle envoie une biscaïenne. Pour dresser la carte de la baie, on envoie 2 biscaïennes et un canot, 21 officiers et matelots. avec Les Laborde Marchainville. Drame, les 2 biscaïennes disparaissent dans les remous.. 21 marins disparus…
Énorme travail des scientifiques le long de la côte californienne. Brisants !

Monterey : (Espagnol)
accueil chaleureux. Missions fondées par les Franciscains. Approvisionnement en viande, blé et fruits. De Langle offre son moulin à vent aux femmes indiennes. La Pérouse fait dire une messe, par la Mission espagnole, pour les marins disparus à Lutuia bay. Le 23 septembre avant de quitter Monterey Il écrit à sa mère en son hôtel à Lannion des lignes
mélancoliques, avec un vrai et profond chagrin et le remord d’avoir permis aux 2 jeunes Laborde d’être embarqué en même temps. «Soyez tranquille sur mon sort. Je compte toujours que la providence qui m’a conduit ici, me ramènera en France…»

Cap à l’Ouest pour la traversée du Pacifique. En route pour la Chine. Macao. (offerte aux Portugais par l’empereur de Chine) Durant l’escale à Macao le 18 janvier, de Langle écrit une longue lettre émouvante à sa sœur en son hôtel à Lannion: «Tu peux assurer aux gens de Lannion que les marins qui sont à mon bord se portent bien et qu’aucun n’a péri dans le naufrage. Que sont devenus ma femme, mon enfant, mes parents, mes amis ? Je pense souvent à mon manoir en Bretagne… je ne vois pas un enfant sans penser à mon fils» Réputation de la porcelaine de Chine. De Langle fit faire un service orné des blasons des Fleuriot et des Kerouartz, pour ses parents. Ce service fut confié à Jean-Nicolas Dufresne débarqué à Macao. le 1er février 1787, pour rapporter en France le journal des mémoires de la première partie de l’expédition de La Pérouse.

Cavite (Espagnol) :
dans les Philippines (au sud de Manille) Port idéal pour la remise en état des bateaux (calfatage, visite des gréements.) Paul Antoine écrit à sa mère : «Je me porte toujours aussi bien et nos navires sont bien réparés ,
nous avons des vivres en abondance…j’ai une lueur d’espérance d’avoir de vos nouvelles ainsi que
de ma famille…»

En longeant les côtes de Corée, du Japon et de la Tartarie Chinoise. Navigation difficile (brumes, grand calme puis courants rapides).

Ile de Sakhaline :
accostage dans la baie de Tchoka devenue la baie de Langle le 12 juillet.

2 Août 1787 :
passage par le détroit de La Pérouse. Kamchatka (Russe) à St Pierre St Paul. Navigation le long des îles Kouriles. Accueil par Kasloff gouverneur d’Okhotsk. L’interprète Barthelemy de Lesseps est très utile. Bal en l’honneur des Français. (A 12 ans Barthélémy parle le Russe couramment).

Vue de Saint Pierre Saint Paul.
le 20 septembre «ayant fini la partie de notre navigation la plus dangereuse, je compte que la Providence ne nous abandonnera pas…après une absence de plus de 4 ans, mon fils sera grand… l’absence ne fait qu’augmenter l’attachement que je leur ai voué et je compte que la Providence me les conservera pour faire le bonheur de mes dernières années…je me flatte que je les passerai à Rosviliou.. »

et le 27 «Je vois avec plaisir que je vais maintenant me rapprocher de mes parents et de mes amis… pour le mois d’aôut 1789, époque fixée pour notre retour en France… Veuillez dire mille choses à tous mes parents de Lannion».

Départ de Barthélémy de Lesseps qui est chargé de porter en France le journal et les documents de l’expédition (carnets de voyage, 42 cahiers) dans une mal-longue et une armoire de voyage. Parti de Pétropavlov le 7 octobre 1787 il va : «dans la neige et sur la glace en pays d’ours et de
volcans, en traîneau, à cheval, en bateau pour franchir les fleuves lors des dégels, voire à pieds, traverser la Sibérie du Pacifique à l’Oural, la Russie, la Pologne, l’Allemagne, pour arriver à Versailles.»

Il faut signaler que les de Langle étaient amis avec les de Lesseps. Paul Antoine le prit sur l’Astrolabe où il lui apprit les rudiments de navigation.

Après un périlleux voyage, de Lesseps arriva à cheval à Versailles. Le 17 octobre 1788.

Épuisé mais soulagé, il n’avait qu’une seule hâte : transmettre tous les documents de l’expédition
au Roi Louis XVI…  -«Comment êtes-vous arrivé jusqu’ici ?
demanda le Roi.

-“J’ai eu beaucoup de difficultés à cause des brigands et des loups, du froid et de la chaleur, et surtout des moyens de transports. Il me fallait m’adapter aux différents transports – charrette, traîneau, bateau… – et bien faire attention aux caisses de l’expédition. Mais malgré tout, beaucoup de personnes m’ont aidé.»

-«Vous êtes peut-être le seul survivant car depuis deux mois, nous n’avons plus de nouvelles de
l’expédition. Pouvez-vous me dire ce que vous avez rapporté?»

Il y a les lettres des marins, le journal de bord de La Pérouse, les dessins de nouvelles plantes et de nouvelles espèces d’animaux et la carte du monde complétée…

Lapérouse et de Langle quittent le Kamchatka fin octobre 1787.

Drame de Tuitila (Maouna)  (11/12/1787) :
Premier jour, de Langle fit mettre à l’eau un canot et fait remplir plusieurs barriques d’eau pour les deux navires.

Le lendemain, de très nombreuses pirogues tournaient autour des frégates et offraient des fruits, des poules, pigeons, porcelets en échange de verroterie, tissu ou cercles de barriques..

Dans ce concert, les femmes les plus jeunes se montraient provocantes. Aguicheuses, elles se glissaient entre les marins et les soldats et, par des gestes lascifs, elles éveillaient les désirs longtemps refoulés de ces hommes de mer. La Pérouse et de Langle constatèrent ce manège et le chef de l’expédition écrira plus tard :

«des Européens qui ont fait le tour du monde, des Français surtout, n’ont point d’armes contre de pareilles attaques»
La deuxième corvée d’eau, meurtrière, décidée par de Langle…

Lapérouse notera par la suite : «Un secret pressentiment m’empêcha d’abord d’acquiescer. Mais rien ne pût ébranler la résolution de M. de Langle».

Deux canots et deux chaloupes avec 60 personnes se présentèrent le 11 décembre dans l’anse reconnue l’avant-veille par Fleuriot de Langle..

Pendant cette opération des centaines d’indigènes s’étaient assemblés sur le rivage. Plusieurs filles jeunes ou très jeunes d’après le rapport du lieutenant Vaujuas s’offraient «de la manière la plus indécente» et leurs avances n’étaient pas «universellement rejetées». Fleuriot de Langle jugea la situation dangereuse et, pour apaiser la foule, fit distribuer des verroteries à plusieurs indigènes qu’il pensait être des chefs.

Des pierres furent jetées sur les équipages. De Langle fit tirer quelques coups de feu en l’air ce qui ne fit pas reculer les indigènes. Une des pierre toucha de Langle, et il est achevé à coups de massue.

Sur La Boussole, La Pérouse mesurait l’étendue de la catastrophe. Pas de représailles. Le bilan est lourd : Fleuriot de Langle, le commandant de L’Astrolabe, Lamanon, le célèbre physicien, et dix autres membres de l’expédition sont massacrés.

La Pérouse écrira : « J’avoue que j’eus besoin de toute ma raison pour ne pas me livrer à la colère, à la rage dont j’étais dévoré et empêcher nos équipages de les massacrer ». On peut se demander quels sentiments inspiraient de Langle pour s’obstiner à se rendre à terre une seconde fois. Pourquoi y aller lui-même alors qu’il avait des officiers et un équipage familiers de cette opération ?

Un de ses descendants s’est posé cette question :
«La beauté des Tutuiliennes ou plutôt leurs moeurs faciles ont-elles inspiré cette décision ? L’âme humaine est multiple et sa complexité même autorise les hypothèses où le moins bon se mêle au meilleur».

L’anse du massacre aujourd’hui
Pendant un siècle, le silence retomba sur l’île du massacre.
En 1882, le révérend père Vidal, missionnaire aux îles Samoa dont il parlait la langue, écrivit: «Un vieillard, au moins octogénaire, qui est mort l’année dernière, m’avait raconté qu’il tenait de source certaine que les étrangers n’avaient pas été mangés, mais qu’ils avaient été enterrés au lieu même du massacre.: Père c’est sous ce talie (chêne rouge) que les étrangers furent enterrés.»

Érection d’un monument à l’initiative du Père Vidal.

En 1887, Récupération des ossements en présence du père Jaboulay. Le chef du village entraîna un autre missionnaire, le père Jaboulay près d’une caisse au fond de laquelle reposait un crâne fracassé, des fragments de tibia et de fémur… Les précieux restes furent alors embarqués à bord du Fabert qui les ramena à Nouméa où ils furent placés dans un coffret en laiton.

Le destin des restes de Fleuriot de Langle.  En février 1889. Les restes furent embarqués sur Le Calédonien qui repartait à Brest. À ce sujet, en 1889, la commune de Quemper-Guézennec, par l’intermédiaire de son maire, François Le Varrat, se plaignit que Brest accaparât le corps de son illustre enfant : il avait vu le jour à Quemper-Guézennec, il devait y revenir. Son souhait ne fut pas exaucé.

Clin d’oeil de l’histoire, Sur le Calédonien naviguait un jeune Quemperrois, embarqué à 20 ans pour son service militaire : Il s’appelait Laurent Ropers et était né, comme l’illustre navigateur, à Kerlouet le 16 février 1868 !

Le ministre de la Marine Jules Krantz, présida les obsèques qui eurent lieu à la date du 25 juin 1889 en l’église St Louis avec une pompe prodigieuse.(troupe en grande tenue, préfet maritime,… L’évêque de Quimper et Léon, Mgr Lamarche, présidait la cérémonie.

Une plaque portant une épitaphe fut placée près de l’urne en laiton. Cette plaque comportait la mention suivante :

« Ici reposent les restes du chevalier Paul-Antoine-Marie FLEURIOT DE LANGLE époux de dame Georgette de Kerouartz né le 1er août 1744 au château de Kerlouet Evêché de Tréguier »

L’église St Louis est détruite en août 1944, incendiée par des soldats allemands… La nouvelle église est construite entre 1953 et 1958 . Les restes du chevalier De Langle sont placés dans le chœur sous l’autel.

Revenons à ce 11 décembre 1787, après le massacre de de Langle à Tutuila. La Pérouse va s’en vouloir d’avoir cédé à de Langle . Il avait une confiance aveugle en lui : «je suis encore à concevoir comment un homme comme lui a pu se tromper aussi grossièrement ». La douleur de La Pérouse est immense . De Monti, qui était en second avec de Langle, a conservé le commandement de l’Astrolabe jusqu’à notre arrivée à Botany-Bay.

Le 14 décembre, La Pérouse quitte Tutuila pour Botany Bay en Australie, où il arrive le 26 janvier 1788. La baie botanique, du nom donné en 1770 par les botanistes Banks et Solander.
Ce fut une surprise de voir deux bateaux anglais arrivés 5 jours avant, sous le commandement du Commodore Phillip. La Pérouse le chargera de ramener du courrier en France en particulier cette lettre de La Pérouse à Louis XVI avec cet éloge :

“j’ai perdu par la la plus facheuse des trahisons mon meilleur ami, un ami de trente ans. Un homme plein d’esprit, de jugement, de connaissance et certainement l’un des meilleurs officiers de toute les marines d’Europe” Citation que nous avons faite graver sur la stèle à Quemper-Guézennec.

La dernière navigation de La Perouse

La Pérouse quitte Botany Bay le 10 mars 1788… Puis c’est le mystère… Plus de nouvelles des deux bateaux…

25 février 1791 l’Assemblée Nationale vote un budget de 400 000 livres pour mettre sur pied un voyage de recherches. Le 29 septembre 1791 2 frégates, la Recherche et l’Espérance partent sous les ordres de d’Entrecastaux et Huon de Kermadec… Les deux commandants moururent à bord d’épuisement. Fiasco total.

Le 21 janvier 1793,Louis XVI monte à l’échafaud. « A-t-on des nouvelles de M de La Pérouse ?

1826. 30 ans après… Le capitaine anglais (d’origine irlandaise) Peter Dillon est le premier à repérer des traces de l’expédition sur une île du Pacifique sud, Tikopia. En 1813, officier à bord du navire le Hunter , il navigue près des îles Fidji, il découvre que plusieurs européens avaient débarqué sur ces iles. Ils continuèrent leur navigation jusqu’à l’ile de Tikopia où Bushert fut débarqué. Treize années plus tard en 1826 Peter Dillon s’arrête à nouveau à Tikopia et retrouve Martin
Buschert qui lui remet une garde d’épée récupérée au cou d’un Naturel. Bushert avait demandé au naturel comment il avait récupéré cette garde sur laquelle Dillon croit lire le nom de La Pérouse. Le naturel répondit que les anciens de l’île racontaient que deux bateaux avaient sombré près de l’ïle de Manicolo.

Appâté par la récompense promise par Charles X, Peter Dillon revient en France avec cette garde d’épée. Elle est authentifiée comme appartenant à l’expédition. C’est les larmes dans les yeux que de Lesseps reconnaît cet objet.

25 avril 1826 Dumont Durville quitte Toulon à bord du nouvel Astrolabe et grâce aux indications de Dillon, explore le site de Vanikoro (ex Manicolo) le 21 février 1828… y découvre un canon. Il précise l’épave.

En 1959, le vulcanologue Haroun Tazieff et une équipe explore à nouveau l’Astrolabe : 6 ancres, 3 canons, des boulets et des barres de hauban.

Création de l’association Salomon

En 1981, création de L’Association Salomon, avec Alain Conan et Jean Guillou, une première campagne de fouilles faites par des gens passionnés mais avec peu de moyens. Trois cents pièces : de la vaisselle, de la monnaie.

En 1986 Alain Conan retourne à Vanikoro accompagné de spécialistes australiens. Des centaines d’objets sont remontés à la surface. Premières découvertes des ossements qui sont ramenés et placés sous le monument La Pérouse à Albi.

En 1990, du 23 août au 22 septembre l’association Salomon effectue une nouvelle campagne de fouilles, cette fois en précisant le site de la faille pour la Boussole et le site de la fausse passe pour l’Astrolabe… 560 objets sont extraits… Mais le gouvernement des îles Salomons n’autorise pas le traitement de ces objets. Il faut attendre 1992 pour avoir cette autorisation. L’expédition «Vanikoro 90» tente d’expliquer le naufrage.

En 1999, plus de 300 objets ont ainsi été inventoriés, un graphomètre, un pied de Roi et la fourchette en argent de Fleuriot de Langle qui fut traitée et expertisée sur place.

En 2003. Un squelette humain en parfait état de conservation. Après avoir été minutieusement conditionné, il fut dessalé sous contrôle, puis expédié au laboratoire d’Arc’antique ava.

En 2005 – la Marine Nationale affrète un bateau de 80 mètres de long, le Jacques Cartier, avec un équipage de 70 personnes sont 30 scientifiques et chercheurs pour 33 jours de mission.

Inauguration en mai 2005 de la réplique du monument élevé par Dumont-Durville en 1828. Découverte du sextant signé MERCIER permettant de situer définitivement la Boussole dans le site de la Faille.

Participent à cette expédition comme invités : Marc de la Pérouse et Alain Fleuriot de Langle.

En 2008 – L’enquête sur l’identité du squelette, retrouvé miraculeusement conservé en 2003, plus de 200 ans après le naufrage des frégates de Lapérouse en 1788 se poursuit.

Depuis le 15 Septembre 2008 l’association Salomon avec la marine nationale entreprennent de nouvelles recherches. On serait à 5 m des appartements de La Pérouse ! Nous avons suivi, grâce à Alain CONAN, la dernière expédition de mai et octobre 2008.

Des éléments nouveaux sur le déroulement du drame ont été découverts lors de cette campagne de fouilles, selon Alain CONAN, «Nous savons désormais comment s’est produit le naufrage de La Boussole dont l’ancre s’est accrochée sur le récif. Nous disposons aussi de neuf pistes sur la destination d’un bateau de secours construit par des survivants».

Une cérémonie d’inauguration du monument réalisé en mémoire des marins disparus dans le naufrage de 1788 a lieu en présence de Marc de Lapérouse, d’Alain Fleuriot de Langle et d’Alain Conan avec l’ambassadeur de France en Papouasie Nouvelle-Guinée.

Fleuriot de Langle... l'oublié de l'histoire

Le drame de Fleuriot de Langle c’est qu’il n’a pas vécu le naufrage de Vanikoro. Souvent, quand on parle de lui on ne se réfère qu’au drame de Tutuila.

Et je termine cette aventure humaine par ce qu’à écrit et dit Jean Baptiste Lesseps, dans le rapport de son voyage, après ses 13 mois de pérégrination à travers la Russie : «O lecteur, qui que tu sois, pardonne à ma douleur cet épanchement. Si tu as pu connaître celui que je pleure, tu mêleras tes regrets aux miens.»

«A peine je jouis du succès de ma mission que le bruit du malheur de l’île de Tutuila est venu remplir mon âme d’amertume et d’affliction. Il n’est plus ce brave et loyal marin, l’ami, cet homme que j’aimais et respectais comme mon père. Il n’est plus, mais ma reconnaissance se plaît à répéter le souvenir de ses vertus et de ses bontés qui vivront éternellement en moi.»

Et lorsqu’il apporte à Louis XVI les dernières informations du voyage en arrivant en France le 17 oct 1788, le Roi lui apprend que “de Langle est mort depuis 10 mois.”

Sire, dira Bathélémy à Louis XVI : « Si de Langle n’est plus, votre expédition est perdue !»
Elle s’est effectivement perdue ! …

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